ECCLA est ravie de voir qu'à Narbonne, comme dans d'autres zones avec des installations nucléaires, des citoyens se mettent en marche pour vérifier la contamination de leur environnement avec l'aide la CRIIRAD qui suit le dossier depuis plus de 30 ans.
Evidemment, cette contamination n'est pas une nouveauté, mais une nouvelle mesure est toujours bienvenue. Essayons de clarifier le contexte historique de cette contamination.
Il y a une vingtaine d'année, du blé était cultivé dans les zones proches d'ORANO, sous le vent des embruns des bassins. Régulièrement, les années très ventées, les blés étaient brulés par les nitrates et s'ensuivaient des accrochages entre le propriétaire et l'usine. Bien sur les nitrates ne venaient pas seulement des bassins, mais aussi des rejets de l'usine, mais l'extension progressive de la superficie des bassins n'a pu qu'aggraver le phénomène …
Pendant des années, à chaque CLIC (Comité Local d'Information et de Concertation créé en 2005), ECCLA a réclamé qu'il n'y ait aucune culture alimentaire proche de l'usine.
Ensuite il faut rappeler le très grave accident de 2004 qui a vu la rupture de la digue B2 qui est un bassin de décantation, donc plein de boues et dont les conséquences ont duré longtemps. C'est d'ailleurs pour cela que, dans l'Observatoire d'ORANO, nous avions fait démarrer l'historique en 2004.
Laissons la parole à Bertran de Balanda, Directeur de l'usine à l'époque pour raconter cet accident le 16 février 2006 :
Cet accident majeur a été un fort contributeur à la contamination. D'autant qu'après, il a fallu reprendre les terres, restructurer tout le site avec un ballet impressionnant d'engins lourds de terrassement, ce qui a de nouveau contribué à accroitre des envols de poussières.
Malgré cet accident, ORANO a décidé de demander une augmentation de 50% de sa capacité de production. En vue de l'enquête publique à venir, il a demandé un état des lieux de la contamination de l'environnement à l'IRSN.
Sans entrer dans le détail de toutes ces mesures et du rapport final (disponible pour ceux qui seraient intéressés sur demande), trois éléments doivent être signalés
Ainsi donc le travail des citoyens préleveurs permet de remettre en lumière des connaissances oubliées sur la contamination de l'environnement.
Pour conclure, il est utile de rappeler les instances sensées suivre cette usine :
Ce n'est pas ECCLA qui fait partie de l'Observatoire, mais Maryse ARDITI à titre personnel, et c'est à titre qu'elle a été nommée co-animatrice de l'observatoire aux côtés du Sous Préfet.
Pour ECCLA, Maryse Arditi
Le 17/12/2024 à Narbonne
Pour plus d'informations, lire ci-dessous l'article paru sur l'Indépendant du 05/12/2024
Environnement, Narbonne, Entreprise, Industrie
Publié le 05/12/2024 à 07:01
La contamination du couvert végétal par l’uranium autour de l’usine et au-delà, a été analysée par un collectif de citoyens vigilants.
Y a-t-il de l’uranium dans l’air lié aux activités du site d’Orano Malvési ?
L’usine utilise un procédé de transformation qui conduit à l’obtention d’effluents liquides contenant des boues nitratées chargées en uranium naturel. Des solvants sont utilisés pour récupérer l’uranium, et ces effluents acides sont traités avec de la chaux dans des bassins de décantation appelés lagunes. Cette chaux piège les molécules d’uranium et les maintient dans une gangue au fond de ces bassins. En surface, le surnageant s’évapore. Ce système actuel n’est pas pérenne et pose la problématique de l’après. Des solutions sont actuellement à l’étude par la direction d’Orano.
Or des citoyens se disent particulièrement soucieux des éventuelles pollutions dues à ces évaporations. Le collectif Vigilance Malvesi en fait partie.
Ce collectif, né en 2020 à la suite des luttes contre le projet THOR de l’usine, s’est constitué autour de plusieurs associations, dont Sortir du Nucléaire 11, Arrêt du Nucléaire 34 et Greenpeace 34, ainsi que des membres de TCNA, Eccla… L’objectif est d’exercer une vigilance en surveillant l’évolution de la pollution atmosphérique et d’eau, celle des milieux terrestre et aquatique autour de l’usine.
Il surveille, entre autres, la dispersion d’uranium sur la végétation. Ce collectif a publié les chiffres des analyses effectuées sur des feuilles de cyprès aux alentours de l’usine Orano. La présence d’uranium est constatée à 4 km du site : "On a commencé par des feuilles de cyprès et d’eucalyptus, et on a effectué des prélèvements sur les nappes phréatiques pour connaître la contamination du couvert végétal par l’uranium. Pourquoi le cyprès ? Il y en a partout dans le secteur et que les feuilles sont persistantes, détaille l’un des préleveur Eric Latrille. On collecte les poussières des végétaux et on les fait analyser.
"L’usine rejette de l’uranium par voie aérienne, et les prélèvements tiennent compte des vents dominants, le cers et le marin. À l’Ouest, à 45 mètres de l’usine on a mesuré 830 nanogrammes par gramme, ce qui est 20 fois plus élevé que le niveau naturel relevé à 8 kilomètres, à 2 km au Sud-Ouest, au niveau du château de Lebrettes, 126,9 ng/g, soit 3 fois plus que le niveau naturel".
À Geyssières, à 450 m à l’ouest, il a ainsi été mesuré 246,3 ng/g. "On utilise l’uranium comme traceur, mais il y en a d’autres, souligne un préleveur, en indiquant sur la carte : "Une dernière tranche du lotissement Les Amarats s’est étendue du côté de l’usine. À l’Est, au niveau du Domaine de Livière, les analyses démontrent 100 fois plus d’uranium dans les cyprès que dans le milieu naturel".
Le collectif a noté que la direction de l’usine a planté une haie de cyprès à l’est des bassins, érigée en protection. Au niveau de la déchetterie route de Coursan, les résultats attestent d’un niveau deux fois plus élevé que le niveau naturel.
Quelles sont les conséquences sur la santé ? Sans parler de niveau d’exposition, le collectif évoque une toxicité chimique et radioactive. Pour Bruno Chareyron de la CRIIRAD, qui conseille le collectif sur le plan scientifique, "il y a d’autres polluants radioactifs, relevés dans l’étude d’impact d’Areva en 2015 lors de l’enquête sur TDN, notamment dans les fameux effluents nitratés des bassins. On a noté 47 substances radioactives, radiotoxiques par inhalation", l’impact de l’usine concerne d’autres polluants chimiques comme des fluorures, dioxines, nitrates d’ammonium, chlorures, et des métaux lourds variés. "Le problème, c’est la persistance dans l’environnement : c’est une exposition à très faible dose, mais permanente sur des dizaines de substances différentes".
Les membres du collectif visent les habitants mais aussi les salariés. Mais ceux qui travaillent dans les ateliers semblent craindre davantage le risque chimique, avec les manipulations d’acide fluorhydrique et d’ammoniac.
En 2004 une digue contenant des boues et liquides nitratés a cédé et 30 000 m3 de matière se sont déversés dans l’environnement. "Nous apportons une information indépendante pour améliorer la prise de conscience dont les citoyens ignorent l’importance, souligne Bruno Chareyron. En 2006, nous avons confié un compteur Geiger à des riverains. Sur le chantier de récupération de ces boues, le taux de radiation était 30 fois supérieur à la normale. Et les camions dispersaient une poussière importante. L’Agence de l’Autorité de Sûreté Nucléaire ARS a classé une partie de l’usine en Installation Nucléaire de Base, ce que nous demandions depuis longtemps".
Au fil des années, le niveau de conscience des populations a augmenté. "Nous alimentons nos sites internet régulièrement précisent Didier Latorre et Hervé Loquais, du collectif, par exemple, un train est arrivé ce matin en gare de Narbonne en provenance de Saint-Pétersbourg avec du yellow cake. Le logo radioactif était visible sur les wagons". Les citoyens vigilants constatent également : "Orano progresse et semble conscient des problèmes de dispersion de polluants par voie aérienne, ils ont pallié avec la plantation d’une haie de cyprès, en guise de brise-vent". Les résultats d’une étude d’évaluation de l’impact conduite par l’IRSN débutée en 2021 devraient être publiés sous peu.
"Il n’y a pas d’activité industrielle plus surveillée que celle du nucléaire, les analyses réalisées sont contrôlées par la Dreal, l’ASN et l’IRSN. Ces résultats, suivis localement par un Observatoire de surveillance des rejets co-présidé par le préfet et le président de l’association environnementale ECCLA, sont aussi accessibles pour tous les publics en ligne sur le site du réseau national de mesures de la radioactivité de l’environnement, explique la direction d’Orano Malvési, qui indique que plus de 23 000 analyses environnementales sont réalisées chaque année par Orano sur plus de 100 points de prélèvement autour du site jusqu’à l’étang de Bages".
La direction assure que les résultats de ses analyses de la radioactivité sur le site sont "200 fois inférieurs à la limite réglementaire française pour le public. La dose annuelle en limite de propriété est en deçà de cette même limite réglementaire française".
Au fil des années, l’usine s’est étendue pour pouvoir entreposer ses déchets. Interrogée sur ces bassins de décantation, la direction Orano explique qu'"ils contiennent des résidus de procédé de conversion. Un vaste plan de gestion de ses résidus de procédés pour les 30 années à venir a été engagé par Orano avec des actions à court, moyen et long terme. Il apparaît également possible aujourd’hui d’étudier une nouvelle stratégie industrielle de gestion de ces effluents nitratés en répondant à une logique de circularité et de décarbonation. Avec une valorisation des effluents nitratés soit auprès de filières de production de fertilisants soit en acide nitrique. Deux options nécessitant des phases d’étude, de développement et de pilotage industriel dont les premiers résultats sont attendus en 2026. À long terme, le procédé THOR (THermal Organic Reduction) reste la solution de référence de traitement des nitrates entreposés dans les bassins d’évaporation".